Raymond Moretti s’avance, profil classique d’un Etrusque, peau blafarde de l’insomniaque, le regard vif, curieux, pénétrant, habillé en toute saison de la couleur de la nuit, Prince Noir à la créativité généreuse et flamboyante.
Il parle peu. Il écoute, tendu. On est saisi par l’atmosphère qu’il fait naître autour de lui. Ses gestes pourtant sont rares. Mais on ressent cette densité d’un être qui ne se laissera jamais aller à la mesquinerie, à la jalousie, à l’envie, qui ne sait même pas ce que cela signifie être médiocre, être dévoré par la bassesse des rivalités ridicules qui font souvent la trame des relations humaines, petites et sordides.
Lui se veut en harmonie, en complicité, en alliance avec ce qu’il y a de grand dans la vie dans l’homme. Il se concentre sur cela. Il ne voit pas la gangue. Il ne connaît que les pépites. Il lui suffit de quelques traits pour faire surgir une âme.
Je feuillette ce livre « De Gaulle par Malraux » publié à l’occasion du dixième anniversaire de la mort du Général. Jamais peut être les « illustrations » de Moretti n’ont à ce point réussi à rendre sensible le mystère des êtres. La gravité résolue de Jean Moulin, la rêverie inspirée de Malraux, la grandeur mélancolique de de Gaulle. Et les couleurs vives, éclatantes – le bleu, le blanc, le rouge – font jaillir la vie. Et puis les grands traits noirs comme des coups de hache, montrent la grandeur cernée par le grouillement des « petits », et la cruauté de la mort.
Pour réussir à exprimer cela, la puissance exubérante de la vie – le « Monstre » qu’il bâtit, prolifère – et les menaces qui pèsent en elle, il fallait être soi-même lucide et en même temps être emporté par la volonté, la vitalité du faire.
Ainsi Raymond Moretti a créé une œuvre polymorphe, joyeuse et déchirante comme le Jazz. Il n’a jamais calculé, en avare de son talent. Il a soufflé comme un musicien, qui donne tout, à chaque fois qu’il pose sa trompette sur ses lèvres. Et tant pis si l’enchantement va se dissiper, aussitôt qu’il aura fini de jouer. Il recommencera. Son œuvre est dans le mouvement, l’inspiration, l’improvisation quotidienne.
La musique, le chant de Moretti, la mort elle-même ne les a pas interrompus.
Il a peuplé le monde de visages, d’arabesques, de méditations graphiques sur les livres sacrés, les religions.
Il est là, créateur prodigue, Prince Noir, illuminé par la noblesse de son âme.
Max Gallo
Ecrivain, Historien, Homme politique, Académicien
Mars 2006
Pour plus dinformations, rendez-vous sur le site
www.lesamisderaymondmoretti.fr